LORENZO, ce type n'a pas vraiment le physique d'une gazelle ou d'une libellule, mais il est léger et vole tout là haut, au dessus de notre misérable condition de terriens vissés au sol.
Quand il entre sur la piste en poste hongroise, déjà il a pris de la hauteur. Newton et les lois de la gravité ne semblent pas le concerner et son pied, marin pourrait on dire, est sûr comme celui d'une mule en montagne et accompagne sans faiblesse le tangage des croupes qui le soutiennent.
4, 8, 12, 16 chevaux ensemble, tout semble facile pour lui qui suit de très près les évolutions de son troupeau, anticipe l'évasion d'un tel ou repère à la seconde celui qui cherche à tricher. Et alors, jamais il ne lâche, ce qu'il a décidé doit être impeccable et obtenu immédiatement sans jamais aucune brutalité et avec une sorte de persuasion tranquille mais tout à fait obstinée.
LORENZO est un géant… difficile à photographier. Comment faut il s'y prendre pour rassembler dans une image tout ce qu'il arrive à faire et à dire avec ses chevaux ! Mes pas croisent régulièrement ses sabots et j'ai vraiment tout essayé.
Certaines images que j'ai pu faire de lui sont belles, mais elles sont trop propres, trop lisses. Il leur manque toujours ce quelque chose, ce petit rien que nous ressentons tous sur l'ascendant silencieux et puissant qu'il a sur ses chevaux. Et puis, il est brut, sauvage, mal dégrossi (pardon Babeth !), et il faut aussi rendre hommage à cette forme de pureté, d'ascèse, d'obstination géniale à remettre sans cesse l'ouvrage sur le métier et à repousser toujours plus loin les limites du travail en liberté.
Peut-être ai je trouvé enfin comment parler de lui en images… avec ces drôles de photos, bizarres, bancales et pas nettes du tout mais où l’on sent, je crois, ses attitudes de Chef d’Armée, le gout du sang en moins, et le souci constant de ménager ses troupes en plus, de n’oublier personne, même au plus fort de la bataille.
Prenant parfois des airs d’un Dali illuminé, d’un Ben Hur en plein effort, ou d’un compositeur fou jetant ses croches au public, il nous entraine et nous prend dans son tourbillon de sabots et de crinières mêlés.
En fait, LORENZO n'est vraiment pas comme les autres artistes équestres, aussi bons soient ils. Il est DIFFERENT. A nous donc de le photographier différemment.
C'est ce que je viens, enfin, de comprendre !