Ces âmes errantes hantent de nombreuses cultures. La Bretagne, Terre de Légendes, se l’est tout naturellement appropriée. La naissance de cette légende est ancrée dans les lavoirs et fontaines, près de son voisin l’Ankou, dans le Yeun Ellez (Monts d’Arrée). C’est dans cette région sauvage des Monts-d’Arrée (Finistère) que l’on risque le plus souvent de rencontrer les "Kannerezed noz" ("lavandières de la nuit"). Leur apparition est toujours un funeste présage.
Mais qui sont ces lavandières ?
Les lavandières de la nuit sont des âmes damnées, des « anaon » qui hantent les campagnes. Tout au long de la nuit elles travaillent à laver, essorer et faire sécher des suaires dans l’attente d’être libérées.
Une légende rapporte qu’en 1727 une vieille mendiante demanda un jour l’aumône à des lavandières. Celles-ci la chassèrent en l’outrageant et lâchèrent un chien sur elle. Alors l’étrangère se transforma en Vierge Marie et leur dit : "Femmes inhumaines, vous êtes sans pitié. Je vous condamne vous et votre postérité à aboyer comme ce chien que vous avez lancé contre moi". On raconte que ces lavandières ont été punies jusqu’au jugement dernier.
Selon une autre tradition, il s'agit de lavandières qui étaient chargées de laver le linge des pauvres. Par cupidité, elles remplaçaient le savon par des cailloux avec lesquels elles frottaient le linge. Non seulement celui-ci ne pouvait redevenir vraiment propre, mais il était terriblement abimé par ce traitement. Pour les punir de ce forfait, elles ont été condamnées à laver éternellement des linges qui restent sales lors de nuits sans lune et sans étoiles, dans ces mêmes lavoirs où elles avaient jadis travaillé.
Légende du Val sans Retour
La nuit de Brocéliande accueille la procession des redoutables Lavandières de la nuit, les Kannerez Noz, que l’on rencontre plus fréquemment en Basse Bretagne. Elles ont élu domicile au bord du Rauco, qui parcourt le Val sans Retour de son flot intermittent, que le fer rend parfois si roux. La nuit de la Toussaint leur est réservée, et malheur à qui les dérange dans leur royaume nocturne. Elles se souviennent qu’avant le temps du dieu unique, elles étaient reines et déesses et que nul ne leur manquait de respect. Les contes des derniers siècles racontent comment le passant, assez imprudent pour tordre le linceul qu’elles battaient dans la nuit, était retrouvé noyé au petit matin.
On retrouve dans les différentes cultures quelques divergences : elles seraient les lavandières préposées à laver les défunts et leurs vêtements, ne trouvant pas le repos éternel ; ou encore de mauvaises mères condamnées à laver les langes de bébés morts sans avoir été baptisés.
Selon une tradition bretonne, il s'agit de défuntes qui ont été ensevelies dans un linceul sale: Quen na zui kristen salver - Jusqu'à ce que vienne un chrétien sauveur Rede goëlc'hi hou licer - Il nous faut, blanchir notre linceul Didan an earc'h ag an aër - Sous la neige et le vent.
Pour d'autre, il s'agirait de lavandières qui auraient transgressé la règle religieuse du repos dominical et, de ce fait, seraient condamnées à travailler pour l'éternité (on retrouve des éléments proches dans les légendes de naroues, naroves ou naroua de certaines vallées savoyardes.
Pour se venger, elles interpellent les passants, les entraînant à les aider à essorer et étendre le linge. La seule façon de ne pas finir les membres brisés et étouffés dans les linceuls est de tourner toujours les suaires dans le même sens. Ainsi, la lavandière, voyant que son travail n’en finit pas, se lasse et laisse sa victime libre.
Ces créatures, qui ont l’apparence de vieilles femmes, mais qui sont très grandes, peuvent se rencontrer aux alentours des étangs et des fontaines, mais ce n’est qu’aux abords des lavoirs que leur présence a été signalée. Elles n’apparaissent qu’aux hommes, en particulier les ivrognes qui rentrent de la taverne à la nuit tombée en suivant le chemin - ô combien déconseillé ! - qui longe la rivière ou le lavoir. Gare au malheureux qui, reconnaissant une parente défunte accède à la demande : s'il ne prend garde à tourner dans le même sens que la femme pour éviter de tordre le suaire, c'est son propre corps qu'il tordra dans le linceul. Il s'effondrera, vidé de son sang...