Jean est né en 1897 ; c’était l’enfant du retour d’Algérie.
Sa petite enfance a été choyée par des parents attentifs : par Blanche qui lui inculque avec amour les comportements de la vie ; par Auguste qui sait éveiller sa curiosité. Il a six ans quand son père part seul en Chine. Il joue avec sérieux son rôle de « petit chef de famille », et quand sera née la petite Miki, celui de grand frère.
A partir de 1906, le séjour en Chine va être une expérience lumineuse. Alors que la cellule familiale est réunie, déjà bon cavalier, il suit son père sur les chantiers, tient son rôle dans les petites fêtes familiales. Pour autant, ses études ne sont pas négligées : sa mère y veille. Les matinées sont studieuses, il apprend les premières notions d’anglais et d’italien.
Au retour en France en 1908, il fait au lycée Hoche de Versailles une excellente sixième. Hélas, le malheur l’attend : en mars 1909, sa mère succombe aux suites d’une banale opération. Auguste s’estime incapable de faire seul face à l’éducation des deux enfants : il se remarie l’année suivante avec Emilie Carrel, une amie d’enfance de Blanche.
Jean n’est plus fils d’enseignant : il perd la gratuité des études secondaires ! Cruelle époque. On le place donc en internat à l’Ecole Nationale Professionnelle d’Armentières (aujourd’hui Lycée Technique), où il prépare le concours des Arts et Métiers. Il est reçu en 1914, mais l’Ecole restera fermée pendant toute la guerre. En attendant d’être appelé, il tient à participer aux ressources familiales et travaille. D’abord des petits boulots, mais il est ensuite embauché chez Citroën (qui n’est pas encore un constructeur automobile), comme tourneur de fusées d’obus.
Mobilisé en septembre 1916, il suit le peloton EOR au 44ème régiment d’Artillerie avant d’entrer à l’Ecole d’Application d’Artillerie de Fontainebleau. Volontaire pour entrer dans l’aviation comme observateur d’artillerie, il est refusé en raison de son daltonisme. Sa première affectation sera sur le front de la Marne où il recevra la Croix de Guerre avec deux citations. Il est ensuite affecté à l’Armée d’Orient où il sert en Serbie, en Roumanie, en Macédoine d’où, malade de dysenterie, il est évacué sanitaire en septembre 1919. Le petit appareil Kodak Vest Pocket qu’il avait avec lui pendant toute cette période nous vaudra quelques photos de guerre.
Il va reprendre ses études interrompues avec une session spéciale organisée aux Arts et Métiers pour les démobilisés. Il en sort en 1921, son diplôme en poche. Grâce à un prêt d’honneur de la Société des Anciens Elèves, il peut partir pour un long séjour de stage industriel aux Etats-Unis. En même temps qu’une compétence dans les techniques modernes dont l’industrie française a besoin pour se reconstruire, il va acquérir une maîtrise parfaite de l’anglais. Mais il profite aussi de ce long séjour pour accumuler de nombreuses photos de la vie américaine. Il n’a pas de mal à son retour à trouver un emploi chez un importateur d’outillage, la Sté Aubry.
C’est au cours d’un des nombreux bals organisés par la Sté des Ingénieurs A&M qu’il rencontre Simonne, sœur de son camarade André Zalkin. Il l’épouse en 1925.
Pendant une longue période, sa pratique de la photographie va être purement familiale : souvenirs de vacances, réunions de famille, et bientôt photos d’enfants : moi-même, Pierre, né en 1928, Gisèle en 1931. Cependant, en 1930, il fait un nouveau séjour aux USA, de courte durée, avec une mission organisée par la Société des Ingénieurs de l’Automobile. Ce séjour sera aussi l’occasion d’intéressants témoignages photographiques.
L’industrie automobile est en plein développement, et le réseau de garages et de stations services se constitue. Il entre chez Fenwick, une société d’importation, comme ingénieur du département Station Service. Il fera toute sa carrière dans cette société où sa connaissance de la langue anglaise et des Etats-Unis sera appréciée. En 1936, il fait l’acquisition d’un corps de ferme délabré à Episy, un village qu’il avait dû traverser à maintes reprises au cours de ses manœuvres d’élève-officier. Il va consacrer beaucoup d’efforts à retaper cette maison qui deviendra un point d’ancrage pour la famille. La campagne et la forêt de Fontainebleau toute proche lui sont une source d’inspiration.
En 1939, il est mobilisé au Ministère de l’Armement. Craignant les bombardements sur Paris, la famille passe l’hiver à Episy, où il n’y a ni eau courante ni électricité. En mai 1940, tandis que la famille se lance sur les routes de l’exode vers la Vendée, lui-même suit son service vers l’Auvergne. Les années d’occupation sont difficiles ; l’importation des USA se sont taries et il doit accepter une réduction de salaire pour garder son emploi. Chaque samedi, il part par le train et en vélo pour Episy d’où il rapporte les quelques légumes qu’il y cultive et la viande qu’il peut se procurer grâce au troc de sa ration de cigarettes qu’il ne fume pas. Nous vivons la Libération à Episy, où il met sa connaissance de l’Anglais au service des détachements américains avant-coureurs.
Dans les années cinquante, libérés du souci quotidien des enfants, Simone et Jean peuvent voyager. En France : Auvergne, Limousin, Provence, puis en Europe : Baléares, Angleterre, Italie. Le virus de la photo se manifeste à nouveau, ces voyages en sont l’occasion, sans oublier la famille qui s’est accrue de nombreux petits-enfants. Il adhère au Club photographique des Arts et Métiers dont il devient vice-président et remporte plusieurs prix pour ses œuvres. Il n’a pas vraiment suivi la mode du 24x36 (qu’il pratique cependant pour les diapositives), lui préférant le format carré 6x6 de son Rolleicord. Chaque année les voyages se poursuivent : croisière au Cap Nord, Autriche.
Au printemps 1970, il décide de participer à un voyage organisé en Sicile où il réalise plusieurs très bonnes photos. Mais il supporte mal la chaleur, il en revient épuisé. La fatigue n’est pas seule en cause : début août il tombe malade. Passé inaperçu, un cancer le minait depuis plusieurs années. On tente une opération palliative visant à le prolonger de quelques mois, mais son organisme affaibli ne la supporte pas, il meurt le 18 août 1970.