Créée au début du XVIIe siècle, la fonderie de Port-Brillet (Mayenne) a fermé ses portes aujourd'hui. Le directeur du site, Sébastien Szezepaniak, qui travaillait à un projet de reprise, a fini par jeter le gant faute de perspective économique. Malgré le soutien des collectivités locales en faveur de son dossier, le chiffre d'affaires prévisionnel ne s'avérait pas suffisant pour assurer la pérennité de l'entreprise (83 salariés). Sur la période récente elle fabriquait des inserts de cheminée et des éléments de mobilier urbain. Dans les années 1970, 1.150 ouvriers y travaillaient.
Son histoire commence en 1619 grâce à la présence de minerai de fer et d'eau dans un secteur très boisé : le haut-fourneau a besoin l'indispensable combustible qu'est le charbon de bois. Le métal produit est utilisé pour les clous et les serrures. Il est aussi vendu en barres et sert également à fabriquer canons et boulets. A partir de 1853, la forge est desservi par une "virgule" ferroviaire à partir de la ligne Paris Brest.
Dans les années 1880, la concurrence est rude avec les anglais qui inventent un nouveau combustible pour le haut fourneau : le coke, moins cher que le charbon de bois. Les forges de la région ferment les unes après les autres. Celle de Port Brillet est une des seules à survivre et devient la propriété d'Armand Chappée jusqu'aux années 30.
L'entreprise se spécialise alors dans le matériel de chauffage et de cuisson et fabrique en série de nouveaux produits : cuisinières, poêles, fourneaux, fonte culinaire, mobilier urbain. Elle construit aussi des radiateurs en fonte, puis des chaudières dont les premiers modèles sont présentés à l'Exposition universelle de 1900.
Cette période de prospérité se poursuit, notamment à l'occasion de la guerre 14-18, et l'usine devient un ensemble complexe de bâtiments, couverts notamment de toiture à sheds, facilitant leur éclairage intérieur. C'est aussi le temps de l'expansion de la commune de Port Brillet qui voit la famille Chappée multiplier les équipements (salle de cinéma, bains douches, salle des fêtes) et construire des alignements de petites maisons pour les ouvriers.
Les difficultés économiques commencent dans les années 1980 : inflation du prix des matières premières, concurrence. De plus, l'outil de production n'est plus modernisé. La fonderie, qui a déjà changé plusieurs fois de propriétaires, devient Pebeco en 1989.
En 1997, David Alleaume, cadre du groupe Valois (dont dépend désormais Pebeco) rachète l’usine. Il fait aussi l’acquisition d’autres fonderies et fonde le groupe Focast. Il le revend en 2010 à une multinationale luxembourgeoise. Moins d’un an plus tard, Pebeco est placé en redressement judiciaire et cesse ses activités en 2011.
Depuis la mairie de Port Brillet, puis Laval Agglomération, ont racheté les lieux (8ha). Un village artisan a été créé sur la partie du site la moins polluée, des bâtiments patrimoniaux ont été identifiés pour être restaurés et réhabilités. Notamment un pavillon métallique, construit pour l’exposition universelle de 1889, qui est en cours de restauration. Un appel d'offres visant à dépolluer l'intégralité du site pour permettre sa reconversion économique vient d'être lancé tout récemment (2023).
PS :Ce reportage a été réalisé à mon initiative en 2007, quelques années avant l'arrêt des activités de fonderie, avec la complicité silencieuse et bienveillante d'une cinquantaine de fondeurs.